- Ecoute, je t'ai dit au début de notre relation
- Ecoute, je t'ai dit au début de notre relation que je n'étais pas prête de le quitter tant que tu ne pourrais nous assurer un avenir. J'ai beau ne pas vouloir de cet enfant, il est là, alors je le garde. Si je quitte Shan, je veux être sûre d'avoir le bébé avec moi.
Bravo!! Elle avait tout prévu la garce!! Elle ne voulait pas de cet enfant, mais était prête à tout pour ne pas me le laisser!! Et moi, le vrai moi dans mon rêve, qui ne voyait rien de tout cela, qui ignorait tout!!
Ils ont terminé cette conversation dans le calme, Max un peu abattu, Léo toujours aussi froide et distante qu'elle l'était avec moi.
Puis, il s'est rhabillé, et est reparti aussi vite qu'il était venu. Ils avaient fait ce dont ils avaient envie, sans se soucier de qui que ce soit, et se quittaient comme si de rien n'était, comme si c'était normal.
Ai-je vraiment besoin de vous décrire l'état dans lequel je me suis réveillé? Tout se mélangeait: la rage, la tristesse, le dégoût, la haine...
Pour Léo, ça ne changeait pas grand-chose, mais quelque chose me disait que je ne verrais plus Max de la même façon... Pourtant ce n'était qu'un rêve! C'était horrible! Je ne pouvais quand même pas tenir compte de quelque chose que j'avais vu en rêve dans mes relations avec les gens que j'aimais! Ce n'était plus possible, je ne voulais plus faire ces rêves horribles, je ne voulais pas savoir la suite! J'en avais assez de devoir composer de la sorte!! Comment j'allais faire en voyant mon ami? Je ne pouvais pas ignorer ce que j'avais rêvé, c'était impossible!
J'ai regardé mon réveil: 7h45. Je me suis levé, j'ai pris le téléphone, et j'ai appelé mon médecin, à l'hôpital. Celui qui m'avait pris en charge après mon accident, car il était évident que pour moi, ça avait un lien. Je n'avais pas tous ces rêves étranges avant... Je voulais une explication, et je ne pouvais plus attendre!
- Docteur Rosoux à l'appareil.
- Bonjour docteur, c'est Shan Ninh Xara ici.
- Bonjour Shan! Comment vas-tu? J'en déduis que si tu m'appelles, c'est qu'il y a un soucis?
- Eh bien... oui.
- Je t'écoute.
- Voilà, depuis quelques temps, je fais des rêves...
- Jusque là, rien d'anormal.
- Oui, seulement... ces rêves, ou plutôt devrais-je dire, ce rêve, est vraiment très réel. Je m'observe en quelques sortes, je suis dans la peau de mon personnage, mais je ne sais rien de ce qu'il s'est passé avant. Et le plus étrange, c'est que chaque fois, ça se suit. C'est une longue histoire, et à chaque rêve, j'en obtiens un petit morceau en plus.
- Je ne pense pas qu'il y ait un problème, Shan, mais si tu veux, on peut faire quelques examens pour te rassurer.
- J'aimerais bien oui. Car... je fais des rêves éveillés aussi. Toujours la suite, mais en pleine journée.
- D'accord.
Le médecin resta silencieux quelques instants. Il tournait des pages, de son agenda sûrement.
- Je peux te prendre début de semaine prochaine, lundi matin.
- D'accord.
J'ai donc pris rendez-vous, impatient de savoir enfin ce qu'il m'arrivait. Il fallait que je trouve une origine plausible à tout ça. C'était tellement irrationnel que ça me bouffait l'esprit. Je ne pensais plus qu'à ça, je ne pensais plus qu'à ma réaction lorsque je rentrerais de ce boulot dont je ne savais rien, auprès d'une femme que je n'aimais plus, enceinte.
Le reste de la semaine, j'ai été un peu absent, la tête ailleurs, et tout le monde l'a remarqué. Athénaïs était inquiète, mais un peu rassurée que j'aille chez le médecin. Elle voulait sans cesse que je me repose, alors que passer du temps avec elle m'aurait changé les idées.
Ma soeur me téléphonait tous les jours pour savoir comment j'allais, alors que j'aurais préféré aller chez elle pour voir ma petite chérie et penser à autre chose.
Quant à Mouss, elle essayait de me rassurer, comme elle le pouvait, me disant que le médecin trouverait sûrement une solution. Je m'étais attendu à une leçon de morale de sa part, mais rien.
Enfin... Max... je l'avais évité tout le reste de la semaine. Je n'étais pas prêt à le voir, j'aurais trop eu envie de lui mettre mon poing dans la figure, sans qu'il y comprenne rien le pauvre. Mais ça aurait été inévitable. Je virais parano, demandant à Athénaïs si elle n'avait pas des contacts avec lui dans mon dos, disant à Mouss de se méfier d'un type pareil.
La fiction de mon rêve rejoignait dans ma tête la réalité, je ne pensais plus qu'à ça, je pensais en Shan marié et futur père.
Et ça ne pouvait pas continuer. Ces quelques jours jusqu'au rendez-vous tant attendu furent infernaux pour tout le monde. Même pour Xune, à qui je ne parlais plus. Un jour pourtant, et il fallait s'en douter, elle me prit à part et ne me laissa pas d'autre choix que de lui répondre.
- Mais enfin, qu'est-ce que t'as?? Depuis mercredi, tu ne parles plus! J'ai fait quelque chose de mal? Quelque chose est arrivé??
- Non...
- Alors quoi? Shan, merde, réponds! Je suis pas un jouet, tu me dois des explications!
- Ca n'a rien à voir avec toi, je ne peux pas t'en parler. C'est trop compliqué, trop bizarre, et tu me prendrais pour un fou!
- Non, écoute, fais-moi confiance, ok? Je ne dirai rien.
- Je préfère pas te dire. Je ne veux pas que toi aussi tu en subisses les conséquences.
- Je suis en train de les subir là!
- Tu ne sais pas de quoi je parle, et je ne veux pas que tu saches...
- Ok! Tu m'énerves! Un jour tu me cours après pour me parler absolument, et du jour au lendemain, tu ne m'adresses plus la parole, et j'ai même pas la chance de savoir pourquoi!
- Ne le prends pas comme ça, je t'en prie, c'est déjà assez dur comme ça...
- Adresse-moi au moins la parole alors!
- Ok... mais ne parlons pas de ça.
- Impossible que je te parle de ça, je ne sais pas ce que c'est, le "ça"!! dit-elle en riant à moitié.
- C'est vrai, merci Xune.
- Dis... quand comptes-tu parler de moi à ta copine?
Elle avait dit ça d'un ton léger, sans préavis, comme si ça s'insérait parfaitement dans la conversation.
- Euh... pourquoi tu me demandes ça?
- J'ai bien remarqué qu'il y avait un problème à ce niveau-là. Ta copine est jalouse?
- Non...
- Oui, forcément, elle n'est pas au courant de mon existence. Tu devrais lui dire, ça poserait moins de problème que si elle l'apprend autrement...
- Pourquoi? Il n'y a rien!
- Justement, alors pourquoi tu lui dis pas? dit-elle en souriant, juste avant de tourner les talons et de retourner travailler.
J'étais sidéré! Elle avait raison, et le savait parfaitement. C'est justement ça qui me mettait en colère. Comment arrivait-elle à lire en moi de la sorte? J'étais pourtant plutôt secret comme garçon, mais elle, elle savait toujours ce que je pensais, comment je réagissais. Elle m'étonnait chaque jour de plus en plus.
Et si je disais ça à Mouss, elle me sortirait encore une théorie à deux balles comme quoi je suis en train de me faire avoir... Pourtant, en réalité, cela me faisait plus peur qu'autre chose... Je ne voulais pas de quelqu'un qui lit en moi comme dans un livre ouvert. Je ne voulais pas qu'elle sache tout de moi, bien plus que ma propre petite amie. J'aimais Athénaïs, alors pourquoi sans cesse ce besoin de me justifier se propageait-il en moi? Pourquoi avais-je peur de lui dire que j'avais une amie, avec qui je passais de bons moments, certes, mais qui n'avaient, c'était certain, aucun rapport avec ceux que je passais avec Athénaïs?
Cette fille, Xune, avait un "pouvoir" sur moi que je ne pouvais m'expliquer, et que personne n'aurait compris, évidemment. Je ne suis même pas certain qu'elle s'en rendait compte elle-même. Mais une petite voix au fond de moi, celle de Mouss, ne cessait de me répéter: "Tu es en train de te faire avoir".
Alors quoi? Xune jouait à un jeu? Elle tentait vraiment de me séduire, ou bien était-ce son caractère, sa manière d'être naturelle? Si vous voulez mon avis, cette Xune avait bien des choses à cacher, elle aussi...